Si quelqu’un te dit que le derby dure 90 minutes (voire plus avec le temps supplémentaire), c’est qu’il n’a tout simplement rien compris. Ce qui est beau avec le derby rhône-alpin, qui est quand même LE match de l’année du championnat de France, c’est qu’il est intemporel. Le derby commence lorsque, par le hasard de choix hasardeux de tes parents, tu viens à naître à Lyon ou à Saint-Etienne. Car, à partir de ce moment-là, que tu sois un ultra-passionné du ballon rond ou un simple habitant dénué de tout amour pour le football ou le sport en général, tu vas obligatoirement être touché par cette rencontre entre les deux plus grandes villes de la deuxième plus grande région de France métropolitaine.
Le derby, c’est une histoire de choix. Le plus facile reste celui d’opposer Saint-Etienne l’ouvrière à Lyon la bourgeoise, mais qu’est-ce que ce serait réducteur pour cette rivalité légèrement consanguine mais follement légitime. Comme le disaient les Green Angels stéphanois (groupe de supporters de l’AS Saint-Etienne), “50 km séparent nos deux cités, une éternité nos mentalités”. C’est bien là que se trouvent la particularité et la beauté de cette simple rencontre de football. Alors forcément, vous allez me dire que, peut-être vous, ça vous dépasse cette rivalité pour un ballon rond et des gugusses qui gagnent des millions. Et pourtant, autour de ces 22 acteurs d’un soir (très grassement payés, on est d’accord) vont se jouer des petites querelles, des petites phrases, des petites provocations qui s’accumulent entre chaque derby. C’est bien marrant de se taquiner toute l’année mais il faut bien qu’il y ait un dénouement, un vainqueur, un patron de la région.
Si les Lyonnais viennent se vanter d’être la meilleure équipe sur le terrain, les Stéphanois viendront parler de l’atmosphère incroyable créée par leurs supporters. Les Gones vont alors parler de leur record de 7 titres de Champion de France d’affilée, là où les Garagnas vont tout simplement montrer l’étoile (symbolisant les 10 titres de Champion de France glanés par le club) qui ornent fièrement le blason des Verts de Saint-Etienne. Un dialogue de sourds qui termine souvent par une comparaison entre les deux villes. Oui ! Lyon est une ville historiquement plus riche que Saint-Etienne et oui ! Les Stéphanois sont souvent plus chaleureux que les Lyonnais. Mais non ! Saint-Etienne n’est pas dénué de joyaux historique et non ! Lyon n’est pas uniquement peuplé de “pélos” froids et râleurs ! La liste des clichés pourrait être encore longue (exemples ici et là !). Comme tout semble globalisé aujourd’hui, Stéphanois et Lyonnais se ressemblent désormais énormément, comme peuvent se ressembler un Caennais ou un Bordelais, car comme le disait justement le rappeur Orelsan, “Maintenant tous les centre-villes de France c’est les mêmes. Les mêmes putains d’Fnac, Mc Do, Foot Locker, Célio, Zara, H&M” (sic)…
Ce qui rend sexy le Derby, c’est que ces deux villes distantes d’une cinquantaine de kilomètres (en gros, la ville de New York du Nord au Sud) veulent à tous prix garder et défendre leurs particularités, juste que parfois dans son paroxysme, où la frontière entre rivalité sportive et haine viscérale semble être de plus en plus légère voire invisible pour certains. Car on l’aura compris, Saint-Etienne ne veut pas être Lyon, et le contraire est valable aussi.
Si toi aussi, ça te fait mal au cœur quand tu dois dire à un étranger “I’m from Saint-Etienne… next to Lyon”.
Comme ça doit être dur à avaler que c’est bien la petite ville ouvrière qui est plus populaire dans le cœur des Français. Là où Lyon voudrait être aimé, Saint-Etienne voudrait être connu. Car comme dans toutes rivalités fraternelles, c’est bien la jalousie et la frustration qui semblent avoir amené ce Derby à devenir si intense, si observé, si disputé.
Pourtant, il semblerait que nous prenions la mauvaise direction afin de faire vivre le plus longtemps possible cette rivalité. A trop vouloir jouer avec le feu, nous avons enlevé l’essence même du Derby : les supporters. Il est devenu bien trop normal que ces rencontres se jouent sans supporters adverses. Pour quel résultat ? Un stade Geoffroy Guichard qui peine à se remplir : lors du derby du dimanche 17 décembre, 37 000 spectateurs sont venus garnir le chaudron, sur 42 000 places possibles (seuls les rugbyman de Clermont ont réussi à remplir ce stade ; une hérésie en terre de football). Plus de piment, plus d’excitation, plus de banderole : à part les allusions au travail des mères de la plupart des joueurs lyonnais, rien ou presque rien ne nous rappelle que nous vivons l’une des rencontres les plus mythiques du championnat (si ce n’est les magnifiques tifos offerts par les supporters, quel travail ! ). Car jamais une victoire stéphanoise dans un derby n’a semblé si peu fêtée ; la température négative et la qualité du jeu n’aidant pas. Pour faire vivre cette magnifique rivalité, cultivons nos différence et aimons ce qui nous rassemble, laissons ouverts les éternels débats, restons persuadés de la perfection de nos cités, de nos clubs respectifs et de sa supériorité sur sa voisine, ne voyons pas le mal partout, saluons les provocations de Domenech, Rocher, Aulas et Polomat.
Car il n’y aurait rien de plus triste qu’un derby qui dure seulement 90 minutes…
Allez les verts !!
2 commentaires
Très bon article. Bien écrit, fin, avec du fond. Bravo Riwan !
Très bon article. Bien écrit, fin, avec du fond. Bravo Riwan !