Je sais bien que pour être « in » sur la toile, il faut vanter les mérites des pousses de soja, du chou romanesco et des cœurs de palmier, mais aujourd’hui on va parler de vraie bouffe nom de Dieu ! Exit la nourriture de moine bouddhiste et de hipster scandinave et que vivent le beurre, la bidoche et la tripaille !!! Aujourd’hui on va aux Cornes d’Aurochs les enfants !
Comme je sais que tu adores quand je te donne des petites astuces pour impressionner mémé le dimanche midi, je vais commencer par éclairer ta lanterne sur l’aurochs. L’aurochs est une espèce disparue de bovidé dont le dernier spécimen aurait été tué en 1627 en Pologne par un ancêtre de Donald Trump. Donc, si ton meilleur pote te raconte que l’aurochs c’est délicieux, c’est sûrement un highlander ou un vampire. Comme on n’est jamais trop prudent, tire lui une bastos dans le bide avec le fusil de chasse de papa pour vérifier. S’il meurt, c’était juste un menteur et il ne méritait pas d’être ton meilleur ami.
Si ta lanterne a besoin d’être éclairée pour ce qui concerne les cornes, tu es actuellement dans un établissement sous contrat avec l’éducation nationale et je ne peux rien faire, tu es foutu.
Ceci étant dit, revenons à nos aurochs (tu remarqueras ici l’intelligence de cette subtile pointe d’humour obtenue en remplaçant les moutons par les aurochs. Ne me remercie pas, c’est cadeau ; je t’invite même à ton tour à utiliser ce fantastique procédé qui fera de toi le joyeux luron de la bande et le chéri de ces dames).
Ça me fait mal au cœur mais appelons un chat un chat, « les cornes d’aurochs » est ce que l’on appelle un bouchon lyonnais. Le bouchon excelle dans l’art de transformer tout ce qu’il y a de plus dégueulasse chez l’animal (pieds, museau, reins, cerveau, estomac, joue, langue, oreille… Je te ne fais pas un dessin tu as compris !) en quelque chose de comestible et délicieux dans l’assiette. Pas étonnant donc que les deux tiers de la carte ne conviennent pas très bien aux végétariens. Je ne parlerai pas des végétaliens, pour eux c’est juste mort. Mais mon petit doigt me dit qu’ils iront quand même tester car s’il y a bien une chose qu’ils préfèrent au quinoa : c’est bien donner des leçons.
« Bonjour je suis végétalien et je trouve votre carte légèrement discriminante, je ne peux rien commander…bla…bla…bla…c’est un scandale…bla…bla…bla…et la planète…bla…bla…bla…rendez vous compte…bla…bla…bla…et…bla…bla…bla…Brigitte Bardot…bla…bla…bla…je fais du yoga…bla…bla…bla… le vélo c’est cool…bla…bla…bla…à quand de l’andouillette végétarienne …bla…bla…bla ».
LE CADRE ET L’ACCUEIL
Tout est mis en œuvre pour te donner une sensation que l’on qualifierait aujourd’hui de « vintage ». Tu ressentiras tout de suite le caractère chaleureux et populaire de l’atmosphère des vieux bistrots de la France des années 50. De vieilles photos de la ville de Saint-Etienne ainsi que de vieilles affiches publicitaires habillent les murs du restaurant et une étonnante collection de vieux ustensiles de cuisine est accrochée au plafond. Tout cela participe à recréer cette ambiance de bouchon qui inspire joie et bonne humeur et se doit d’accompagner l’authenticité des produits consommés et la qualité des vins proposés ; le tout dans une humilité appréciable qui évite toute surcharge vulgaire comme l’on peut trouver dans les pièges à c… touristes qui essaiment dans la ville de Lyon.
A peine entré, le gérant viendra t’accueillir et t’accompagnera à table mais avant toute chose, il te serrera la main en guise de bienvenue. Et il fait ça avec tout le monde. Oui, avec tout le monde… Même les femmes ! Et les roux ! Et les gens pas très très français ! Je l’ai même vu une fois serrer la main d’un nain ! « Oh purée, le mec il est raciste, misogyne et sectaire ! Oh my goood ! » alors là je t’arrête tout de suite ! Pas du tout ! Que nenni ! Déjà parce que je joue du djembé et puis parce que j’adore les kebabs ET les sushis et puis que j’aimerais bien filer mon 06 à Kelly Reilly qui, en plus d’être une femme (sinon on arrête pas le progrès), est excessivement anglaise et rousse ! Et je regarde Fort Boyard. Te voilà bien coincé toi et tes fausses accusations !
Mais ne nous dispersons pas. Tu veux m’attirer vers la dangereuse pente de la digression, du hors sujet et des banalités affligeantes mais ça ne prend pas ! Je jouais déjà au Rapido dans mon PMU préféré que l’idée de tanner ta mère pour avoir le château Playmobil à Noël ne t’avait même pas encore traversé l’esprit.
Ce que je voulais te raconter mon petit chat, c’est que le patron des cornes d’aurochs est d’une rafraîchissante sympathie (pas comme son cuisinier) et t’accueillera comme il se doit dans son établissement même si t’es le dernier des casse-bonbons. D’un humour certain et perspicace, il prendra soin de répondre à toutes tes interrogations même si celles-ci portent sur qui fut le premier président de la république démocratique hongroise (le Comte Mihàly Kàrolyi, je le sais j’ai mangé aux cornes d’Auroch) et rira de bon cœur aux blagues les plus lourdes de ton répertoire.
Tu l’auras compris, un cadre qui sent bon l’authentique et la ripaille, un taulier qui personnifie la franche camaraderie tout en conservant la distinction et la serviabilité des professionnels, nous sommes bien pour l’instant dans un bon bouchon !
LA CARTE
Jeune ami décadent au filet de bave coulant sur ton visage bouffi de bonne chère et d’excès, voici le passage que tu attendais. Toi l’orgiaque ami qui rêve de saisir les plus grasses des cuisses de poulet, tels des pinceaux de débauche, pour peindre sur le corps nu de ta bourgeoise potelée ton plus hédoniste chef d’œuvre ; oui toi, ami à la future obésité morbide, regarde bien car je t’offre…
UNE LANGUE DE BŒUF !
Alors heureux ? J’espère que oui car la carte des cornes d’aurochs est faite pour toi. Ou pas. L’actuel propriétaire du restaurant n’est là que depuis six ans et, s’il n’a pratiquement rien changé à la carte, a apporté un changement majeur dans la cuisine que l’établissement propose.
Un changement simple : l’arrêt pur et simple de la vague d’inondation de beurre qui attaquait tous les plats de la carte. Tu es déçu mais c’est comme ça ! Fini les andouillettes littéralement perdues dans un océan de graisse tiède ! Finie la bérézina de tes passages aux toilettes ! Non, maintenant, même la tripaille, on la cuisine sainement, que ça te plaise ou non (et non ça n’a pas moins de goût). Remercie donc plutôt ce changement salutaire pour ton petit foie, ton petit cœur, tes petites artères qui n’auront plus à souffrir de ta passion pour la grande bouffe et Gérard Depardieu.
Bien, maintenant que tout le monde sait que depuis six ans, manger aux Cornes d’Aurochs n’est plus synonyme d’alerte rouge de transit intestinal, voyons un peu ce qu’ils nous proposent.
Tout d’abord il y a l’ardoise qui offre de grands classiques du bouchon comme l’andouillette ou la cervelle d’agneau mais aussi d’autres plats de cuisine française plus traditionnels comme le consommé de ravioles ou la bavette de bœuf. A noter que le poisson proposé change au gré des arrivages et qu’on ne vous servira pas ici de congelé. L’ardoise s’accompagne toujours aussi d’une suggestion du moment qui change selon l’humeur du cuisinier qui, bien que pas très malin, connaît son métier, mais j’aurais l’occasion d’y revenir.
Cette ardoise vient compléter une carte qui propose un plus large éventail de choix sur les spécialités de bouchons ou les plats plus traditionnels (tablier de sapeur ou ris de veau aux morilles et autres souris d’agneau confite ou pièce de bœufs aux cèpes). Les petits appétits trouveront aussi leur bonheur grâce aux salades présentes sur la carte. Bergère ou Périgourdine (avec foie gras et magret fumé), par exemple.
Les gros mangeurs fanatiques de ripaille pourront, après avoir commandé la moitié de la carte pour apaiser leur appétit d’ogre, se tourner vers la grande assiette gargantua, servie en deux fois et qui regroupe andouillette, cervelle, pieds de porcs et tablier. Une assiette à prendre si l’on veut découvrir largement ce qu’un bouchon a à offrir.
Pour les desserts j’aimerais bien en parler mais je n’en prends jamais ! C’est un truc de gonzesse ça ! J’ai fait le Vietnam moi ! C’était pas ma guerre !!! Tout ce que je peux dire c’est que, hormis les glaces qui sont prises chez l’Arbre à glace, tout est fait maison et que, même pour moi, ils ont l’air attirant. Moins que Leïla Bekhti mais quand même attirants.
Côté vins, une petite carte où ne figurent que quelques domaines mais biens connus et appréciés par le patron qui saura vous aiguiller selon votre choix de repas. Une carte rafraîchissante, bien contrôlée et étudiée qui siéra à toute les bourses et à toutes les envies.
Toute cette histoire c’est bien beau mais est-ce que c’est bon nom de Dieu ? Et bien, malgré la profonde antipathie que m’inspire le cuisinier ivre mort vingt-quatre heures sur vingt-quatre mais bon que voulez-vous c’est un cuisinier : oui, très. On pourrait croire que, bouchon oblige, la nourriture servie sera pesante et pas vraiment délicate mais il n’en est rien. Outre le fait qu’il n’existe plus aucun ajout superflu de matière grasse, chaque plat que j’ai eu le privilège de goûter se révèle beaucoup plus subtil qu’il n’y paraît. Je pense notamment à l’accord très juste du velouté de courgette et du sorbet à la verveine et au yuzu qui l’accompagne. Le fromage sec est lui aussi servi délicatement avec quelques noix et une gelée de violette. Vous l’aurez compris, même si la carte conserve l’esprit du bouchon, le souci du détail, l’assaisonnement, les accords et le dressage ont tout d’un semi-gastronomique.
Le rapport quantité qualité prix est excellent, comptez entre 15 et 30 euros par personne (hors vin) pour le soir et le samedi. Les formules du midi en semaine sont particulièrement intéressantes et vous permettront de manger pour moins de 15 euros (à noter que le menu de l’ardoise normalement à 17,50 euros passe à 12,50 euros).
Vous l’aurez compris, Les Cornes d’Aurochs est une bonne adresse et un vrai bon bouchon et ce, même avec un cuisinier schizophrène ! Non je déconne c’est un chic type on a fait le Vietnam tous les deux, ça crée des liens même si c’était pas notre guerre. Et puis tout ce qu’on lui demande c’est de continuer à servir la bouffe comme il la sert aujourd’hui !
Voilà mes petits chéris, allez-y les yeux fermés vous ne le regretterez pas ! Et n’oubliez pas, quand l’appétit va, tout va !
Les Cornes d’Aurochs
? 18 Rue Michel Servet, 42000 Saint-Étienne
? 04 77 32 27 27 (Réservez !)
? Ouvert du mardi au samedi (midi et soir)
1 commentaire
Votre article date de 2016, mais en 2021 il reste d’actualité. Nous y sommes allés il y a trois semaines environ. Peu de monde because « pass sanitaire » etc…mais accueil toujours aussi sympa et plats à la hauteurs de nos attentes. Un bon bouchon.
septembre 2021
Annie