Comment résister à l’envie de s’improviser photographe quand des appareils photos de plus en plus intuitifs sont sournoisement intégrés à tous nos attirails numériques indispensables à notre pauvre survie d’animaux sociaux connectés ?! Il suffit de jeter un œil sur un véritable travail de photographe professionnel comme celui d’Aurélien Piégay pour aisément comprendre qu’on peut classer son selfie à peine cadré dans la case “oubli fortement conseillé” de sa mémoire.
Nous avons rencontré Aurélien et l’avons interviewé sur son travail et sa carrière à Saint-Etienne.
-Comment es-tu venu à la photo ?
Depuis tout petit, une de mes manies était de prendre le caméscope de mes parents pour filmer tout et n’importe quoi ! Je me faisais engueuler car à l’époque, c’était des cassettes donc ça coûtait cher ! Puis je suis passé du caméscope à l’appareil photo. Au lycée, j’ai relancé un atelier photo laissé à l’abandon : on travaillait avec de l’argentique, je développais les pellicules. Très formateur pour s’imprégner de tous les mécanismes de la photographie.
-Quel bilan fais-tu de tes six ans de carrière en tant que photographe à Saint-Etienne ?
Un véritable défi ! Mais je ne regrette pas mon choix de l’indépendance. Il y a des hauts, des bas et, dans les deux cas, rien n’est jamais acquis. Les hauts font grandir mon entreprise. Les bas me font grandir moi. Saint-Etienne et sa périphérie constituent un territoire à échelle humaine où le bouche-à-oreille peut être efficace. La relation client peut s’établir d’une manière plus solide, ce qui renforce, en aval, la fidélisation.
-Qui plus est, la relation avec le client-modèle est primordiale dans ton métier ?
Dans le cadre d’un travail photo individuel, je dois occuper plusieurs rôles : l’ami qui écoute et oriente le modèle en fonction de son caractère et de ses attentes. Le clown qui détend l’atmosphère. De manière générale, mon rôle est celui d’un guide respectueux et attentif désireux d’établir un rapport de confiance.
-Peux-tu décrire le processus par lequel la photographie peut transformer l’image qu’on a de soi-même et donc agir sur la confiance qu’on a en soi ?
En essayant de m’adapter à la singularité de chaque modèle, je tente de leur fournir une image fidèle d’eux-mêmes qui révèle en même temps tout leur potentiel. Tout ce travail devant aboutir, au moment du visionnage du résultat, à une espèce de prise de conscience du modèle. En se réappropriant son image, il se réapproprie une part de lui-même. Et se réapproprier cette part est déjà un grand pas en avant pour la confiance.
-Surtout que cette image, dans une société très axée sur l’apparence, est souvent brouillée par des complexes ?
Effectivement, je suis témoin de toutes les pressions physiques et psychologiques que la société fabrique dans sa machine de stéréotypes et de préjugés. Si les gens ramènent ces pressions sociales dans le studio, mon but est que celles-ci disparaissent pour qu’ils repartent avec une autre vision d’eux-mêmes. Il faut bien être conscient d’une chose : les idéaux de beauté affichés dans certains magazines s’obtiennent souvent à grands renforts de retouches qui n’ont pas grand chose de réel. Il s’agit donc plus d’un succès infographique que d’une authenticité photographique.
-Afin de permettre à tout le monde de découvrir ce qu’est une session photo, tu as mis en place une formule tarifaire particulière ?
Oui, à un rythme d’une fois tous les deux mois, j’organise un événement intitulé Free Shot Session. Une session photo classique consiste à payer le shooting (39 euros) en plus des photos choisies. La “Free Shot” est l’occasion de proposer trente minutes de shooting gratuit. Dans ce cas, on ne doit me régler que les photos retenues lors du choix final, juste après le shooting. Ces séances qui démocratisent la notion de “shooting” qu’on pense parfois réservée à une élite, brassent une diversité de gens aux apparences, caractères et parcours très différents. Chaque édition est une surprise et une aventure photographique.
Pour avoir assisté à plusieurs shootings et à certaines “Free Shot Session”, les éclats de rire et la bonne humeur sont l’essence même de ces séances. Nombreux sont ceux qui se redécouvrent à travers l’objectif d’Aurélien. Le “clic” de l’appareil photo fait parfois le déclic des autres, c’est du moins ainsi qu’il conçoit tout le sens de son métier. Un photographe à la philanthropie communicative et à l’humanisme touchant.
Plus d’infos sur les Free Shot Sessions ici / Page Facebook.