C’est désormais officiel, l’AS Saint-Etienne jouera la saison prochaine en ligue 2 (le fait même d’écrire cette phrase nous attriste). Après tant d’années à flirter avec la zone rouge sans véritable réaction, les verts descendent cette fois-ci à l’échelon inférieur. Une catastrophe pour l’un des plus gros palmarès de France et la capitale du football français.
Une gueule de bois et un sentiment de tristesse qui va se faire ressentir dans toutes les sphères de la vie économique, sociale et culturelle de la ville.
Le choc sportif est retentissant et fait la une de tous les médias français, ce qui n’a jamais été le cas pour les relégations d’autres équipes, que ce soit Bordeaux, Monaco, Toulouse ou encore Nantes.
Un tremblement de terre sportif qui nous fait nous poser cette question : à Saint-Etienne, le football est-il plus qu’un sport ?
Working Class Hero
Saint-Etienne est une ville à part, une ville qui a porté la souffrance des Hommes en bandoulière. Une ville ouvrière, la seule grande ville ouvrière de France.
Les villes ouvrières et/ou populaires ont cette particularité de s’attacher fortement à leur équipe de football : Liverpool, Glasgow, Marseille, Dortmund, Naples …
Un attachement qui s’inscrit dans le fait que dans ces villes, l’équipe de Football c’est la vitrine de la ville. Face aux railleries des capitales et autres villes plus clinquantes, plus bourgeoises, sur le terrain tout le monde est à égalité et quelle fierté cela peut-être quand la laborieuse remporte la victoire. Il suffit de voir l’antagonisme Liverpool-Londres ou encore Naples et le nord de l’Italie, ou chez nous avec le derby.
Si l’on regarde de plus près, le football à cette particularité face aux autres sports (qui sont plutôt bourgeois dans leurs essences) de laisse s’exprimer tout le monde. Ce n’est pas pour rien qu’il est surnommé le sport roi. Il cristallise la fierté de ceux que l’on n’entend pas, pour cela il suffit de vivre une victoire africaine et de voir l’impact qu’à ce sport dans les pays les plus pauvres. Non, ne vous arrêtez pas au triste et bêta constat du : sport jouer par des millionnaires et supporter par des smicards. Le football est bien plus que cela …
Saint-Etienne à longtemps vécu à travers son club de football, car c’est ce dernier qui lui apportait sa fierté, sa gloire et sa reconnaissance. Jusqu’à devenir le club de tous les français en oubliant parfois qu’il est avant tout le club d’une ville. Il s’est implanté dans toutes les composantes de la vie stéphanoise, peu importe les stratégies politiques et tentatives d’émancipation : Saint-Etienne c’est pour une immense majorité, la ville du foot, la ville des verts.
Je t’aime, moi non plus !
Si aujourd’hui vous avez la trentaine ou moins, vous n’avez jamais vraiment connu les verts aux plus hauts (outre quelques campagnes européennes et une coupe de la ligue). Pourtant le mysticisme demeure sur ce club. Que ce soit en voyage ou avec des étrangers (comprendre des personnes non-stéphanoise) combien de fois vous-a-t-on parlées des verts à l’énoncé de votre ville d’origine ?
Dans l’imagerie populaire, Saint-Etienne c’est l’ASSE et vice-versa. Pourtant depuis plusieurs années, on peut très facilement observer un désintérêt des stéphanois pour les verts. Le stade peine à faire le plein, les jeunes stéphanois semblent s’intéresser un peu plus aux grosses écuries européennes qu’à l’ASSE et plus ou peu de vert visible en centre ville que ce soit dans les commerces ou sur les gens.
Le renouveau de Saint-Etienne semble y être pour beaucoup, à une époque ou toutes les villes se ressemblent dans leurs offres, les plus jeunes semblent avoir trouvé un intérêt plus fort vers d’autres activités. Et qui pourrait leur en vouloir ?
Côté municipalité, on n’a jamais vraiment parié sur le football, les rapports entre les 2 directions n’ont d’ailleurs jamais été incroyables. Ce dernier est souvent vue comme trop “passéiste” pour une ville qui s’engage à renouveler et moderniser son image. Bien sûr, les 2 ne sont pas antinomiques, bien au contraire quand on voit le nombre de villes qui ont fait du sport et du football, l’un des outils de développement d’attractivité de la ville. Des villes, où bien sûr les résultats sportifs sont plus positifs.
La flamme verte
Geoffroy-Guichard est l’un des derniers bastions où la fierté stéphanoise est reine. Dans une ville où la mentalité beauseigne prédomine, où les éléments de la nouvelle identité stéphanoise peine à rassembler (comme pour le design notamment), le football est encore l’élément qui permet aux stéphanois d’être fier. Mais ce sport est un fondement friable car il est dépendant de la réalité du terrain et sur ça personne ne peut rien y faire (en dehors des 11 acteurs portant la mythique tunique verte).
Alors que faire lorsque les résultats ne sont pas au rendez-vous ? La vie s’arrête elle vraiment à Sainté ?
Aujourd’hui, la réponse est non, non car les stéphanois semblent-être lassés de cette dépendance parfois déprimante avec leur club de football. La gueule de bois est réelle pour les plus fervents, mais cet échec presque annoncé ne semble plus émouvoir grand monde à l’ombre des 7 collines.
La place Jean Jaurès sera toujours aussi pleine les jours de soleil, la rue des martyrs vibrera toujours aux chants des étudiants, des nouvelles boutiques s’installeront, d’autres partiront, l’impact sur le tissu économique (en dehors de l’hôtellerie possiblement) sera nul ou très faible (et tant mieux).
Est-ce vraiment une bonne chose ? pas forcément, car le romantisme de Saint-Etienne, c’était avant tout celle d’une ville où le football durait bien plus que 90 minutes. Celle du club d’une ville fière et populaire qui déjouait tous les pronostics au point de venir se frotter régulièrement aux plus grands. La vitrine d’une ville qui n’a eu longtemps que ça pour exister positivement.
Est-ce la mort d’un monument ? Non plus, car ce club a beaucoup trop vécu pour partir aussi facilement. Son emprise dans l’inconscient collectif est beaucoup trop fort pour s’évanouir. Oui, car on aura toujours un lien affectif particulier pour ce club, c’est un membre de la famille de chaque stéphanois ; des plus fervents supporters jusqu’aux personnes les moins intéressés par le football.
Un membre de votre famille qui est aujourd’hui notre grand père et qu’on aimerait voir se transformer en notre petit frère.
Concernant la question principale de notre article, vous, vous considéreriez vraiment un membre de votre famille comme une simple personne ?
Notre heure viendra.
Allez les verts !